Dans "Traces de Changements" bimensuel de la Cgé, Noëlle Desmet présente le livre "Un jardin d’Enfance d’Education Nouvelle" d’Eugénie Eloy.
Il me plait de choisir cette phrase comme titre, pour présenter le livre d’Eugénie Éloy, parce que le plaisir à l’école, c’est un moteur trop oublié. Et aussi parce que le plaisir peut être un carburant de la lecture de ce livre !
« Le plaisir est le carburant de l’action »
Ce livre est un jardin. On peut y marcher de façon linéaire, mais on peut aussi aller y voir dans tel ou tel parterre : l’organisation d’une démocratie participative de 2 ans à 6 ans, le jeu, la musique, le langage, l’expérimentation, la solidarité entre enfants…
Il y pousse, dans ce jardin, toutes sortes d’herbes, fleurs, fruits… Images végétales que chacun cueillera à sa guise pour aller regarder la description d’activités propres aux petits, les anecdotes diverses avec paroles d’enfants et d’adultes, les citations introductives ou argumentatives de divers auteurs, pas seulement pédagogues et tout autres aromates à aller gouter.
Pas de recettes, mais la mise en avant d’un esprit, de conditions et de possibles, fruits de choix pédagogiques et donc politiques.
Quels sont ces choix ? Avant tout, un mode de regroupement des enfants : non pas par âge, mais en classe verticale de 2 ans et demi à 6 ans.
Les avantages de cette forme de regroupement sont décrits par l’auteur à diverses reprises, pour évoquer les apprentissages mutuels, les solidarités entre enfants ainsi moins dépendants du seul adulte, la sécurisation des petits, les possibilités des grands, les modalités d’action de l’enseignant !
Un autre « avant tout », c’est l’importance accordée au jeu, comme « véritable terrain de développement (…), propice à la croissance de l’intelligence, de l’émotivité, du sens des autres, atout pour susciter l’expression verbale et la communication. »
Tout au long du livre, évoquant divers types de jeux, l’auteur décrit les façons de « dépasser le spontané par le construit ». Ce construit concerne par exemple, le matériel prévu par l’enseignant. Diversifié, il permet le contact avec toutes sortes de matières (eau, sable, pâte à modeler, bois) ; suscite diverses mises en action selon qu’il s’agisse d’agencer des pièces de puzzles, de se déguiser, de participer à un jeu coopératif, de jouer à la marchande ou à l’infirmière. Un environnement foisonnant donc qui ne peut susciter que désir et créer du plaisir. Ce « construit » concerne aussi les décisions prises avec les enfants lors de Conseils : de jouer à ceci, de construire cela, dans tel temps, tel lieu… Et il concerne aussi toute la présence intelligente de l’adulte qui questionne, relance, propose, admire.
Musique, rythme, peinture, théâtre, poésie avec « les mots qui chantent » sont fortement présents dans ce jardin d’enfance. Et l’auteur, toujours avec enthousiasme et conviction décrit, raconte, pointe des essentiels dans ces différents domaines. L’écrit et le langage sont encore des mondes travaillés selon les mots et moments de vie et non selon des carnets préfabriqués à compléter. C’est à travers tout ce qui se trame dans la classe que les enfants approchent l’écrit, y compris via des livres mis à leur disposition en bibliothèque, mais aussi disséminés sur leurs chemins.
Dans un tel environnement, à la fois grouillant et organisé, l’auteur explique comment chaque enfant peut s’y retrouver et aussi être respecté dans ce qu’il « ap — porte » avec lui, de chez lui. Ce sera versé au patrimoine du jardin commun, ce sera reconnu, valorisé, distingué des apports d’autres enfants et de ceux de l’enseignant qui reste vigilant aux avancées de chacun.
Ce faisant, dit l’auteur, « Nous quittons la stricte égalité où chacun re
çoit la même nourriture au même moment, pour nous orienter vers l’équité qui permet à chacun de recevoir sa nourriture selon son désir, les sollicitations de ses pairs et les interventions intelligentes de la maitresse. » Et dans ce cas, il ne s’agit plus d’« épier leurs manques et leurs défauts à corriger, de transmettre une image négative aux parents ou à la collègue qui va les recevoir l’année suivante, de les déclasser dans des filières de réadaptation, de les exclure par le redoublement… toutes ces stratégies aux effets pervers qui nuisent surtout aux enfants que l’on voudrait “sauver”, les plus fragiles. »
Eugénie Éloy, Un jardin d’enfance d’Éducation Nouvelle — Dépasser le spontané par le construit, Chronique sociale, 2014.