La démocratie participative appliquée à l’école, c’est possible. L’élève se responsabilise quand on le considère comme un adulte conscient et responsable de ses actes.
Une chronique de Céline Grandjean, enseignante dans une école à encadrement différencié et participante au programme Teach for Belgium
Publiée dans La Libre le lundi 05 décembre 2016
Après une année passée dans une école à discrimination positive à Schaerbeek, je réitère l’expérience dans une autre école à encadrement différencié : le Collège la Fraternité à Laeken. Une nouvelle école, de nouveaux défis ! Première heure de cours, Ayoub m’interroge : "Eh m’dame, z’êtes nouvelle dans l’école ? Bienvenue à l’école citoyenne de la Frat’". Une école citoyenne ? Mais qu’est-ce donc ? "Une école qui nous demande notre avis m’dame" répond Youssef.
Il s’agit d’un projet visant à "changer la dynamique d’enseignement". Nous ne sommes plus dans une structure pyramidale où les élèves "subissent" le projet pédagogique et les règles imposés par leur direction et leurs enseignants. Dans l’école citoyenne, les élèves réfléchissent ensemble aux règles de vie et participent activement à l’élaboration d’une charte, complémentaire au règlement d’ordre intérieur de l’école. Les élèves se sentent ainsi davantage impliqués et veillent au respect des règles de vie qu’ils ont co-créées.
En début d’année, tous les élèves participent à l’élaboration des règles de "vivre ensemble" qui réguleront la vie de l’école. Des mini-forums sont organisés dans toutes les classes, où chacun exprime ce que serait, pour lui, l’école idéale. Les fruits de ces réflexions sont présentés sur une affiche qu’un délégué de chaque classe expose à un groupe de professeurs et des représentants des autres classes. Toutes les idées exprimées sont synthétisées pour élaborer la "loi" qui guidera la vie de l’école tout au long de l’année scolaire. Cette loi est rédigée en termes simples et illustrée par les élèves avant d’être affichée aux quatre coins de l’école. Elle reflète les valeurs que les élèves jugent importantes et qu’ils s’engagent à respecter.
L’étape suivante consiste à élire démocratiquement un Conseil citoyen, constitué de représentants de l’équipe pédagogique et d’élèves de chaque degré. Ce Conseil a pour vocation principale d’encourager les initiatives positives de l’école et de régler les situations jugées problématiques. Il ne se substitue toutefois pas au règlement d’ordre intérieur.
En cas d’écart de conduite, l’élève se présente devant le Conseil citoyen. Ensemble, ils déterminent la sanction, ou plutôt la réparation acceptable pour tous et proportionnelle au préjudice causé. Ainsi par exemple, suite à un cas de harcèlement, il a été demandé aux "harceleurs" de visionner quatre clips réalisés par Patrick Bruel sur le sujet, de réfléchir à la manière dont ils se sentiraient s’ils étaient eux-mêmes victimes d’une telle situation et de présenter au Conseil citoyen un projet de communication qui pourrait ensuite être exploité pour sensibiliser l’ensemble de l’école à cette problématique.
Un exemple d’initiative positive présentée au Conseil citoyen concerne l’aménagement extérieur de l’école. Des élèves ont eu l’idée d’utiliser des palettes de bois pour fabriquer des bancs avec l’aide d’un ouvrier de l’école. Ils n’ont pas hésité à y consacrer une partie de leur temps libre et sont très fiers d’avoir contribué à rendre la cour de récréation plus conviviale.
Ce qui m’enthousiasme le plus, c’est la dynamique positive que ce projet insuffle dans l’école. On y responsabilise l’élève en le considérant comme un adulte conscient et responsable de ses actes. La plupart du temps, les incivilités que commettent les élèves ne sont que l’expression d’un manque d’estime de soi et d’un sentiment d’exclusion. En étant partie prenante dans l’élaboration de la réparation du dommage causé, les élèves prennent le temps et la distance nécessaires pour analyser la situation et proposer la réparation la plus juste et constructive possible. On sort ainsi du cercle vicieux de la violence et de l’agressivité comme seule réponse à l’incompréhension mutuelle.
Céline Grandjean