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L’auto-médication pédagogique est à la mode
Article mis en ligne le 23 avril 2007
dernière modification le 5 janvier 2008

par Jean-françois Manil

Qui n’a pas entendu un jour, alors qu’il évoquait une douleur quelconque,
son proche voisin déterminer l’origine de la maladie et le remède idéal ? Qui
n’a pas entendu un jour, alors qu’il évoquait une panne de voiture, son plus
proche voisin lui donner l’origine et la solution. Évidemment, ces deux plus
proches voisins n’étaient ni docteur en médecine, ni mécanicien.

Nous nous trouvons devant un phénomène courant, chacun ayant une expérience en certaines matières que nous transformons en pseudo-compétence. Tant que l’on en reste à un avis, il n’y a rien de grave à cela ; d’autant plus que les pharmaciens veillent et que tout le monde n’a pas un pont de garagiste chez soi.

Là où cela se complique, c’est quand rien ne contrecarre les pseudo-compétences et que sa propre expérience est idéalisée. C’est
exactement le cas pour un nombre croissant de parents qui décident eux-mêmes de ce qui est bon scolairement pour leurs enfants. Cette situation, plutôt exaspérante pour les professionnels de l’éducation, s’observe lors de changement d’établissement inopiné, de consultation de « spécialistes » de la remédiation, d’ajout de travaux journaliers supplémentaires, d’avis d’enseignants écoutés mais pas entendus, …

Cet état de fait est interpellant à plus d’un titre. Le niveau de professionnalisation de notre métier est-il considéré comme insuffisant pour que l’on ne fasse pas confiance en notre avis ? Les parents se sentent-ils l’âme de pédagogues « naturellement compétents » ? Ou, et ce me semble la plus pertinente des hypothèses, l’institution scolaire est-elle perçue comme un bien de consommation peu différent des autres ? Ceci expliquerait ces comportements de consommateurs évitant de payer de précompte sur leurs enfants, utilisant des outils d’analyse économique pour des situations humaines, évoquant ouvertement le manque de confiance dans tel établissement pour leur premier enfant, mais y laissant le second. La liste n’est pas exhaustive, et elle ne le sera pas. La question, plus fondamentale, est celle de la viabilité de notre profession, dès l’instant ou l’ensemble de l’organisation permet et, qui plus est, incite, à la concurrence entre établissements. Comment ne pas entrer dans cette logique de croissance et, au contraire, rendre lisible les compétences que seuls nous avons sans avoir le sentiment de devoir les monnayer.

Mettre au monde un enfant, c’est une aventure.
L’éduquer et le former comme futur citoyen en est une aussi et nous avons la chance d’avoir un enseignement public qui s’en préoccupe. Veillons alors
d’une part à ne pas le dénaturer, qu’il reste public et lieu d’émancipation,
et d’autre part à signifier que, comme un médecin est le seul à pouvoir
détecter une varicelle et à la soigner, nous sommes les seuls à réfléchir à
la construction des intelligences et des savoirs dans un cadre institutionnel.

JF Manil
Instituteur, auteur pédagogique, formateur.