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J’ai essayé on peut...
Un stagiaire a essayé... il peut !
Article mis en ligne le 11 mai 2007
dernière modification le 7 mars 2008

Dans leur ouvrage « La rage de faire apprendre », J. F. Manil et L. Guillaume nous invitent à résoudre le calcul suivant : 0,6 + 0,9. Ensuite nous devons réfléchir aux moyens (aux cheminements mentaux) que nous avons mis en place pour résoudre cette opération.
Par la suite, ils nous montrent les différents procédés possibles à emprunter afin d’arriver au résultat. Quelque 14 procédés différents sont mis en avant. Ils nous font donc participer là à ce qui ressemble à un défi cognitif.

Lors de mon stage, en tant que futur instituteur, L. Guillaume me propose de vivre pleinement l’expérience avec une partie de sa classe multi-âges : les 9 élèves de 4ème année.

Consigne

Au tableau, se trouve le calcul suivant : 465 - 218.
Les élèves vont devoir mentalement, de manière individuelle, tenter de résoudre ce calcul. Une contrainte non négligeable leur est toutefois imposée : être capable d’expliquer le cheminement suivi afin d’arriver à la réponse.
Une fois le résultat trouvé chez chaque élève, chacun va devoir expliquer sa méthode au reste de la classe. L’intervention de l’enseignant consistera ici en un accompagnement individuel pour faire verbaliser chacun des apprenants sur le cheminement qu’il a utilisé.
Lors de la réflexion préalable de préparation des démarches, nous avions, le titulaire et moi, prévu une dizaine de cheminements mentaux attendus.

Au cours de la mise en commun qui a suivi, outre les classiques, 4 ou 5 cheminements corrects sont évoqués ; cheminements auxquels nous n’avions pas pensé !
Il a s’agit ensuite de noter ces diverses opérations au tableau, en veillant à faire évoquer oralement le cheminement de chacun. Voilà donc ce tableau rempli de 9 méthodes différentes qui arrivent cependant toutes au même résultat. Chacun de ces cheminements est le fruit d’une réflexion personnelle, de recherches intuitives et comme nous évoluons dans un modèle de co-construction des savoirs, il s’agit maintenant d’exploiter tout cela à bon escient.
Nous avons donc veillé à ce que chacun puisse exprimer (au moins) un cheminement différent des autres de telle sorte que chacun puisse être responsable de son calcul inscrit au tableau. Les calculs sont dès lors signés du nom de leur auteur.
Tous les élèves deviennent donc « experts » aux yeux des autres de leur procédé.

Relance

Un nouveau calcul est proposé : 352 – 134.
Tous vont devoir résoudre ce nouveau calcul. Mais ils vont devoir emprunter les 9 cheminements différents évoqués précédemment. Lorsqu’un élève « bloque » ou éprouve certaines difficultés à résoudre le calcul, il doit naturellement demander de l’aide. Mais ici, ce n’est plus l’instituteur qui est le seul détenteur du savoir mais chacun des 9 experts de la classe. C’est donc à l’expert de la méthode à venir donner des explications supplémentaires à son camarade « coincé ». Ce statut de « personne ressource » accordé à tous participe grandement – j’ai pu le constater - à la construction de la personnalité, à la reconnaissance de soi dans les liens sociaux organisés à l’intérieur de la classe et de l’école.

Réflexions

Cette activité vise la compréhension mathématique plutôt que l’entraînement au calcul rapide. Elle aide les élèves à se rendre compte qu’il existe des cheminements différents du sien et participe ainsi à la reconnaissance de la différence d’autrui. Outre cet aspect, cette activité est empreinte d’autres concepts propres à l’Education Nouvelle : la construction du savoir, la place importante de l’apprenant, la coopération et la construction de l’individu.

La compréhension mathématique plutôt que le drill au calcul : vous aurez compris que l’important dans cette démarche n’est pas l’obtention rapide d’une réponse. L’exploration des processus (plutôt que le drill à l’obtention des bonnes réponses) est ici centrale : elle va permettre (du moins si elle est répétée dans d’autres contextes !) de provoquer une prise de conscience très porteuse dans le futur mathématique de chacun. Ce sont en effet des structures, des cheminements qui vont s’installer et actionner la « capacité à généraliser ». Ces « clés conceptuelles » feront, plus tard, l’économie des essais et erreurs, des tâtonnements aléatoires freinant habituellement l’éclosion mathématique. Cette activité de formalisation - formation plutôt qu’exercisation – formatage s’inscrit dans une culture qui se donne les moyens de favoriser, plus tard, les apprentissages complexes avec rapidité.

La construction du savoir plutôt que leur transmission. Nous ne sommes pas dans une optique « craie-salive », ici c’est l’élève qui est l’acteur de sa formation scolaire ; c’est lui qui va mettre en place différents processus ; puis les partager avec les autres.

L’apprenant au premier poste plutôt que l’instituteur. Le rôle d’un instituteur ne se limite pas à diriger le groupe et en assurer la discipline tout en déversant son savoir. Il doit veiller à créer des situations qui posent problème et organiser la construction du savoir. L’élève va tenir le rôle principal dans sa formation. Il sera le chercheur, le testeur, le découvreur et celui qui expliquera le fruit de sa recherche au reste de la classe.

La coopération plutôt que la compétition. Nous parlons bien d’entraide et de coopération lorsque les élèves peuvent aller eux-mêmes donner le coup de main nécessaire à leur camarade pour qu’ensemble, ils puissent arriver à un objectif commun : se comprendre.

La construction de l’individu plutôt que favoriser son assistanat. Nous sommes dans la construction de l’individu selon deux axes : la construction de l’élève en tant que personne et la construction de l’élève en tant qu’étudiant. La première va favoriser son devenir social, le développement de son autonomie et l’émergence de sa personnalité grâce aux différentes tâches qui lui ont été confiées mais aussi grâce aux différents statuts qu’il aura exercés notamment celui d’expert. La deuxième se penche plus sur son avenir proche, son avenir d’étudiant. Cette activité a favorisé la mise en place de nombreux prérequis dans lesquels l’élève va pouvoir puiser lorsqu’il sera confronté à une nouvelle situation. Cet éventail plus important de déjà-là sera pour lui un avantage majeur dans la construction de nouveaux concepts et lui permettra un champ d’actions beaucoup plus vaste.

Nicolas Graide, étudiant à la Haute Ecole Albert Jacquard
en stage chez Léonard Guillaume en mars 2007