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Réflexions au retour de Mahdia
Article mis en ligne le 11 septembre 2012

par Michel Simonis

Retour de Mahdia,
samedi 21 juillet 2012.
(Relu le 11 août 2012)

Retour au calme, le cerveau s’apaise, les émotions se déposent, les idées décantent.
Aucun regret, aucune critique, ce qui est, est. Ce qui a été fait, est fait, et chacun à fait de son mieux.
L’accueil et le sourire bienveillant de chacun, ici à Mahdia, celui du personnel aussi, celui des femmes de ménage et des serveurs, m’a conquis et à stimulé l’envie d’être accueillant, moi aussi, et de sourire à chacun. D’où cette chaleureuse expérience.
Et je lâche prise sur toutes les péripéties. Je garde surtout en mémoire combien les uns et les autres ont cherché à aplanir les choses dérangeantes avec doigté et patience. Mounira et Heger étant les championnes dans cet art difficile.

Ma réflexion va porter essentiellement sur le contenu de la rencontre, le programme, et ce qu’il en est advenu. Là où j’ai pris ma part, là où se jouent les ressources que chacun emporte en rentrant chez soi.
Une conclusion personnelle d’abord : après tout, rien n’importe plus que l’art de contribuer au bonheur des hommes et des femmes dans un monde viable et harmonieux. Les enseignants et les éducateurs y ont leur part en éveillant les esprits aux valeurs de paix, de dignité, de justice, qu’on appelle cela démocratie, printemps des apprentissages ou encore "la réussite du vivre ensemble".

Encore faut-il entendre "ensemble" dans son sens le plus large, et dans ses différentes dimensions, depuis la "communauté d’apprentissage", la classe, ou la cellule familiale, jusqu’à englober ce "nouveau paradigme" qui postule que nous formons tous, humain (et non humains) une Unité de vie sur terre. Qui survivra "ensemble" ou périra.

I

Chacun est-il rentré chez soi davantage convaincu du droit de chacun à réussir sa vie (le mot "réussir" tout court m’apparait un peu vague !) et de la place qu’il a à prendre dans cet immense chantier collectif qui est de construire un monde plus juste où chacun est reconnu dans sa dignité, le droit de vivre dignement, accepté par les autres dans son originalité propre.
Tiens, à propos, nous avons reçu, au LIEN, un message d’Anny Gleyroux qui dit cela si bien avec ses mots :

"... cette scène où on joue à plusieurs mains une partition bien vivante pour animer un monde plus humain, comme vous avez pu le réaliser surement en Tunisie ce mois-ci, tout ceci reste une voie de connexion des femmes et des hommes qu’il faut alimenter contre les tonnes de fatalités qui nous sont déversées tous les jours."

En quoi notre manière d’aborder les problèmes est-elle "nouvelle" ? Qu’avons-nous de "nouveau" à apporter dans le concert mondial des acteurs-militants d’une vie meilleure pour tous ?
Le concept d’Education nouvelle implique logiquement la notion d’innovation. Paradoxe !
Parce que le mot m’effraie. L’innovation ne serait-elle pas un avatar du capitalisme et de la croissance, dont elle est l’essence (innover ou disparaître, disent les industriels et les publicitaires, innover à n’importe quel prix - généralement payé par d’autres !).

Et si le "nouveau" pouvait être une vieille histoire, comme nous l’a rappelé Mounira avec sa Carte blanche « Une école tunisienne travaillant en 1949 dans l’esprit de l’Education nouvelle » ?
Jacques Vonèche, qui succéda à Piaget à Genève, nous disait un jour, au Groupe Belge d’EN, qu’en pédagogie, il n’y avait rien de nouveau, mais seulement des cycles ou les vagues anciennes redevenaient actuelles avant de laisser place à l’autres... [1]

Il nous faut de toute façon, comme à Mahdia, faire preuve d’imagination, de créativité et d’ouverture d’esprit. Pour tracer de nouvelles pistes, de nouvelles manières de faire, recycler les anciennes pour tenir compte des nouvelles données du "nouveau" monde à construire ensemble, ici, là, et partout.

La nouveauté absolue, c’est que le gâteau à partager n’est pas extensible. Et l’innovation technologique n’y changera rien. Nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir le partager. Sept, et bientôt dix milliards d’humains.

Heureusement, la "sobriété heureuse", (Pierre Rabhi) existe. Ou la "Prospérité sans croissance" (Tim Jackson). [2]
Mais cela ne suffira pas, et c’est la critique qu’on peut faire à Tim Jackson.
Il faudra plus de justice dans la répartition. Le pouvoir des plus forts - les hommes par exemple - sur les plus faibles - les femmes par exemple, le pouvoir des anciens sur les jeunes, des urbains sur les ruraux, des clercs sur les laïcs, des maîtres sur les élèves, des "copains" (du clan) sur les "étrangers", des murs, des grillages et des check-points sur les portes et les fenêtres, des militaires sur les civils, des mains fermées sur les mains ouvertes, tout cela devra bientôt finir, si l’on veut survivre.

Une révolution ?
Education nouvelle et révolution ! Beau sujet de réflexion...
Pour autant qu’il s’agisse d’une révolution intérieure autant qu’extérieure, je préfère le concept de révolution à celui d’innovation.
Fondamentalement, on est au coeur d’une "Culture de paix".

II.

Nous avons clôturé la rencontre de Mahdia. Chacun est rentré chez soi. Quelle révolution chacun a-t-il accompli pour lui-même ? Qu’a-t-il appris qui remet en question une action, une idée, un sentiment ou une habitude ?
Comment mettre des mots sur "en quoi suis-je différent, après ces quatre jours ?"

Et moi ?
Plus lourd de toutes ces nouvelles personnes rencontrées, mais plus léger, porté par tous ces sourires. Porté par toutes les personnes qui ont cheminé avec moi, dans la même direction, soutenus par leurs propres recherches et découvertes. Soutien - soutènement, étayage - collectif, international - transnational - de l’édifice que je contribue à construire. Comme chacun, en faisant "ma part", fusse celle du colibri.
 [3]

Michel Simonis,
GBEN